Par souci de diversifier leurs revenus ou par envie de transmettre leur savoir-faire, les artistes plasticiens sont de plus en plus nombreux à dispenser des cours théoriques ou des ateliers pratiques auprès de confrères débutants ou d’un public amateur.
S’il peut intervenir dans des structures associatives ou des établissements scolaires, l’artiste peut également faire le choix d’exercer cette activité en toute indépendance au sein même de son atelier. Dans le cas où il ne dispose pas d’un espace de travail distinct de son lieu de vie, l’artiste est donc amené à recevoir des élèves au sein de son domicile.
Mais quelle est donc la réglementation en matière de cours et ateliers à domicile ? Quelles sont les règles auxquelles l’artiste doit se conformer pour pouvoir accueillir des clients chez lui ? Focus sur ces obligations légales qu’il est judicieux de connaître avant de se lancer dans cette activité pédagogique.
1- Les dispositions du bail
Si vous êtes locataire du logement dans lequel vous souhaitez dispenser vos cours et vos ateliers, vous devez tout d’abord vous assurer qu’aucune clause de votre bail d’habitation n’interdit l’exercice d’une activité professionnelle au sein de votre domicile1. Un propriétaire a en effet parfaitement le droit d’interdire à son locataire d’exercer une activité professionnelle au sein du logement qu’il lui loue.
Sachez toutefois que, juridiquement, un bail conclu à « usage exclusif d’habitation » n’équivaut pas à une clause interdisant formellement l’exercice d’une activité professionnelle2. Autrement dit, si votre bail est à « usage exclusif d’habitation » mais qu’aucune des dispositions qu’il contient n’interdit explicitement l’exercice d’une activité professionnelle, vous pouvez légalement dispenser des cours et des ateliers au sein de votre domicile. Si vous préférez être totalement transparent(e) avec votre propriétaire, vous pouvez bien sûr le prévenir de votre attention d’exercer une telle activité à votre domicile, même si, légalement, rien ne vous oblige à le faire.
Si une clause du bail interdit expressément l’exercice d’une activité professionnelle au sein du logement, vous êtes tenu(e) de vous y conformer3. Vous pouvez cependant vous rapprocher de votre propriétaire afin de lui exposer votre projet et d’obtenir son autorisation. Si ce dernier accepte finalement que vous donniez des cours ou animiez des ateliers au sein de votre domicile, négociez avec lui la rédaction et la signature d’un nouveau bail incluant de manière claire et précise la possibilité d’exercer ladite activité professionnelle afin d’éviter d’éventuelles complications futures.
2- Le règlement de copropriété
Si vous vivez au sein d’une copropriété, vous devez aussi vous assurer qu’aucune disposition du règlement de copropriété ne s’oppose à ce que vous exerciez votre activité professionnelle à votre domicile4. Une telle disposition s’impose autant au locataire qu’au bailleur : si vous êtes locataire et que votre bailleur vous autorise à exercer votre activité de cours et d’ateliers au sein de votre logement mais que le règlement de copropriété vous l’interdit, vous ne pourrez pas le faire, malgré l’autorisation de votre propriétaire.
Il existe trois types de clauses dans ce domaine :
- La clause d’habitation bourgeoise simple : cette clause impose que les locaux de la copropriété doivent être utilisés de manière « bourgeoise », c’est-à-dire réservés à l’habitation. Dans ce cas, on considère que les activités commerciales et artisanales sont interdites au sein des locaux mais que les activités libérales sont tolérées. Généralement, sont surtout autorisées les activités libérales assimilables à une « occupation bourgeoise », c’est-à-dire les activités qui n’impliquent pas de recevoir une clientèle importante. Si vous avez l’attention de recevoir un grand nombre d’élèves et/ou de le faire à une fréquence importante, une telle clause peut être un frein à votre activité.
- La clause d’habitation bourgeoise exclusive : cette clause interdit l’exercice de toute activité professionnelle dans les locaux, y compris celui de toute activité libérale. Si vous vivez en copropriété et que le règlement comporte une telle clause, vous ne pouvez pas dispenser des cours et des ateliers au sein de votre domicile.
- La clause n’interdisant ou n’autorisant que certaines activités : cette clause interdit ou autorise seulement l’exercice de certaines activités professionnelles. Ce type de clause peut engendrer une certaine confusion et il est conseillé de se rapprocher du syndic de copropriété pour savoir clairement de quoi il en retourne.
3- L’autorisation de la mairie
Aucune disposition de votre bail ou du règlement de copropriété ne s’oppose à l’exercice de votre activité et vous pensez désormais que tous les feux sont au vert ? Minute, papillon ! Ce n’est pas tout !
En effet, dans certains cas, il vous faut également obtenir l’autorisation de la mairie pour exercer votre activité professionnelle à votre domicile. Les règles sont les suivantes5 :
- Si vous résidez dans une ville de moins de 200 000 habitants ou au sein d’une zone franche urbaine-territoire d’entrepreneur (ZFU-TE), vous pouvez exercer votre activité de cours et ateliers à domicile dès l’instant où aucune disposition du bail ou du règlement de copropriété ne s’y oppose. Dans ce cas, vous n’avez donc pas à demander l’autorisation de la mairie.
- Si vous résidez dans une ville de plus de 200 000 habitants ou dans un des départements des Hauts-de-Seine, de Seine-Saint-Denis ou du Val-de-Marne, vous devez solliciter l’autorisation de la mairie pour exercer votre activité de cours et ateliers à domicile car celle-ci implique de recevoir de la clientèle et/ou de la marchandise dans votre logement. Si votre logement se situe dans une HLM, un avis favorable de l’organisme gérant sera également requis.
Par exception, vous n’avez pas besoin de demander l’autorisation de la mairie si votre logement est situé au rez-de-chaussée et que :
- C’est votre résidence principale ;
- L’activité de cours et ateliers à domicile n’est exercée que par vous et les autres occupants de votre logement (pas d’assistant ou salarié) ;
- Votre activité n’occasionne pas de nuisances ou de danger pour le voisinage, ou ne conduit pas à un désordre pour l’immeuble.
4- Les troubles anormaux de voisinage
Le respect de la tranquillité du voisinage est également une exigence qui s’impose à vous.
En effet, même si votre activité de cours et ateliers à domicile est autorisée à la fois par votre bailleur, la copropriété et la mairie, vous devez vous assurer de ne causer aucun trouble anormal de voisinage pour être parfaitement dans la légalité.
Est considéré comme « trouble anormal de voisinage », tout inconvénient ou toute gêne de nature répétitive et excessive tels que :
- Les bruits de comportement créés par un individu (cris, chants, fêtes, bruits de pas…) ou une chose (outil de bricolage, instrument de musique, électroménager…) ;
- Les bruits d’activités professionnelles engendrés par l’usage d’un outillage ou de machines spécifiques ;
- Les nuisances olfactives (odeur persistante, fumée…).
Contrairement à ce que beaucoup de gens pensent, n’est pas seulement sanctionné le tapage nocturne : l’obligation de respecter la tranquillité du voisinage vaut de jour comme de nuit et non seulement à partir de 22h.
5- La règlementation des établissements recevant du public (ERP)
Aussi, des obligations assez lourdes en matière de sécurité, de lutte contre les incendies et d’accessibilité aux personnes en situation de handicap peuvent vous être imposées selon la configuration du lieu au sein duquel vous dispensez vos cours et ateliers.
Ce type d’obligations concerne uniquement les établissements recevant du public (ERP). Selon le droit français, constituent des établissements recevant du public tous les locaux au sein lesquels des personnes sont admises, soit librement, soit moyennant une rétribution ou une participation quelconque6».
De prime abord, vous pourriez penser qu’à partir du moment où vous recevez des clients chez vous, votre domicile est considéré comme un ERP et que vous êtes donc soumis(e) à la règlementation applicable à ceux-ci. Mais la loi est plus subtile que cela et opère une distinction7 :
- Si vous consacrez une partie de votre logement à l’exercice de votre activité professionnelle et que celle-ci n’est pas totalement indépendante de la zone d’habitation, vous serez exempté(e) de toute obligation réglementaire relative aux ERP. Ainsi, si l’entrée ou des circulations intérieures sont communes à votre espace de vie et à l’espace où vous dispensez vos cours et ateliers, l’ensemble restera considéré comme une habitation et vous ne serez pas soumis(e) à la règlementation des ERP.
- Si, au contraire, la partie de votre logement que vous dédiez à l’exercice de votre activité professionnelle est entièrement indépendante de votre zone d’habitation (entrée, cheminement, et pièces de travail exclusivement dédiés), votre zone de travail sera considérée comme un ERP et vous serez donc soumis(e) à la règlementation applicable à ceux-ci.
Si tel est le cas, vous serez notamment contraint(e) de :
- Recevoir vos clients dans un lieu conçu et configuré de façon à limiter les risques d’incendie, à évacuer les occupants tout en évitant la panique et à alerter les services de secours tout en facilitant leur intervention8 ;
- Mettre en place des dispositifs d’alarme, de surveillance et des équipements de secours contre les incendies ;
- Tenir un registre de sécurité et organiser des visites de contrôle ;
- D’être accessibles à toute personne atteinte d’un handicap moteur, sensoriel, mental, cognitif ou psychique.
6- L’obligation de sécurité et de surveillance
En dispensant des cours et des ateliers auprès de tierces personnes, vous serez juridiquement considéré(e) comme un prestataire de service. Or, comme tout professionnel intervenant en tant que tel, vous serez dans l’obligation d’assurer la sécurité de toute personne participant à vos cours ou ateliers9.
Vous devrez notamment :
- Respecter et faire respecter les modes d’emploi, les consignes d’installation, les conditions d’utilisation et de stockage des appareils, produits et matériels utilisés par vos clients et vous-même ;
- Entretenir et aménager vos locaux dans le respect du code de la construction et de l’habitation (conformité des installations de chauffage et d’électricité, salubrité des lieux…) ;
- Faire preuve d’une vigilance accrue si vos élèves sont des débutants ou des enfants, votre obligation de sécurité étant alors renforcée. En cas d’élèves mineurs, il est notamment conseillé d’adapter le niveau de surveillance en fonction de l’âge et de la maturité des élèves.
7- L’ assurance professionnelle
Bien que cela ne soit pas obligatoire, il vous est fortement recommandé d’être assuré(e) contre les éventuels accidents ou dommages qui pourraient intervenir lors de vos cours et ateliers.
Notez qu’un contrat d’assurance habitation n’est généralement pas suffisant pour couvrir ce type de risques car il n’inclut pas les accidents ou dommages sur les biens et personnes qui interviendraient lors de l’exercice d’une activité professionnelle à votre domicile.
Afin d’être sûr(e) d’être bien couvert(e), il est judicieux de demander à votre assureur une extension de votre contrat d’assurance habitation ou bien même de souscrire un contrat d’assurance professionnelle.
Un contrat de protection juridique vous permettant de bénéficier d’une prise en charge de vos frais de justice en cas de litige avec un client est aussi un complément très utile à l’assurance professionnelle.
8- Le statut juridique
Bien évidemment, pour pouvoir dispenser des cours et des ateliers au sein de votre domicile, vous devez aussi être en règle d’un point de vue juridique, fiscal et social.
Bonne nouvelle : si vous exercez sous le statut d’artiste-auteur, sachez que les cours donnés dans l’atelier ou le studio de l’artiste-auteur, les ateliers artistiques ou d’écriture ainsi que la transmission du savoir de l’artiste-auteur à ses pairs, figurent parmi les activités « accessoires » qu’il est autorisé d’exercer sous ce statut.
Notez toutefois que, pour être dans les clous, votre activité de cours ou d’ateliers à domicile doit :
- Être exercée de manière indépendante, c’est-à-dire sans lien de subordination caractérisant le salariat ou l’assistanat.
- Être exercée de manière accessoire, ce qui signifie ici deux choses : vous devez avoir perçu des revenus au titre des activités principales sur l’année en cours ou sur une des deux années précédant l’année en cours et les revenus tirés de l’ensemble de vos activités accessoires ne doivent pas dépasser 1200 fois le SMIC horaire brut (soit 12 300€ en 2021) par an10.
Pour plus de détails sur les activités accessoires, vous pouvez consulter notre fiche thématique « Déterminer son statut juridique ».
Si vous exercez votre activité d’artiste sous le statut d’artisan en micro-entreprise (=auto-entrepreneur), vous pouvez également dispenser des cours et des ateliers au sein de votre domicile sous cette même forme juridique mais il vous faut effectuer une adjonction d’activité auprès du Centre de Formalités des Entreprises (CFE) compétent et tenir deux comptabilités distinctes, les cours et les ateliers étant considérés comme une activité de prestations de services de nature libérale.
9- L’enseigne commerciale
Enfin, si vous souhaitez accrocher une enseigne sur la porte de votre local, la façade de votre immeuble ou le portail de votre jardin afin de rendre votre activité bien visible, assurez-vous d’être bien en règle avec :
- Votre contrat de bail ;
- Le règlement de copropriété ;
- La législation concernant les enseignes commerciales.
Les règles dans ce domaine sont très strictes. Sachez notamment que votre enseigne11 :
- Peut prendre la forme de lettres individuelles prédécoupées, d’un panneau, d’un bandeau-support ou être en double- face ;
- Doit être composée de matériaux durables et conservée en bon état de propreté, d’entretien et de fonctionnement par vos soins ;
- Ne doit pas gêner la circulation, la signalisation, ni la sécurité routière :
- Doit être démontée dans les 3 mois en cas de cessation ou changement d’activité.
Également, vous pouvez être tenu(e) d’obtenir une autorisation avant d’installer l’enseigne si12 :
- L’enseigne est à faisceau laser ;
- L’enseigne est située dans une commune couverte par un règlement local de publicité (RLP) ;
- Elle est installée sur un immeuble classé ou inscrit au titre des monuments historiques ;
- Elle est placée sur un monument naturel ou un arbre, dans un site classé, un parc régional, une réserve naturelle ou dans une zone protégée.
Les emplacements et dimensions de l’enseigne sont aussi strictement réglementés. Vous trouverez ci-dessous une infographie du gouvernement vous permettant d’y voir plus clair 😉

Source : site du service public.
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Notes
- Article L123-11-1 du code de commerce
- Cour de Cassation, Chambre civile 3, du 14 janvier 2004, 02-12.476
- Article L123-11-1 du code de commerce
- Article L123-11-1 du code de commerce
- Article L631-7 à L631-9 du code de la construction et de l’urbanisme
- Article R*123-2 du code de la construction et de l’habitation
- https://www.ecologie.gouv.fr/laccessibilite-des-etablissements-recevant-du-public-erp
- https://www.service-public.fr/professionnels-entreprises/vosdroits/F31684
- Article L421-3 du code de la consommation
- Article R382-1-2 du code de la sécurité sociale
- https://www.service-public.fr/professionnels-entreprises/vosdroits/F24357
- https://www.service-public.fr/professionnels-entreprises/vosdroits/F24357